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par Patrick Schindler, groupe Botul de la Fédération anarchiste le 19 mars 2018

2015-2017, les migrants indésirables dans Paris « gentrifié »

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Le numéro de novembre de la revue sociale Z (1) présente entre autres un dossier chronologique édifiant et valant tous les discours. Il raconte en détail l’histoire de ces migrants « indésirables », arrivés en 2015 en France et ballottés depuis, à tous les vents dans la ville de Paris. Focus.

Le premier reportage, « Camper au milieu des passant.es », est un rappel de leurs conditions lorsqu’ils sont arrivés, qui, du Soudan, qui, d’Afghanistan, d’Éthiopie ou d’Érythrée. La précarité qu’ils ont trouvée dans les installations de fortune des campements d’Austerlitz et de La Chapelle. Début juin 2015, ils sont une première fois délogés et éparpillés dans d’autres abris. C’est alors que les premiers collectifs de soutien apparaissent. Hiver 2016, ils en sont chassés et s’installent sous le métro Stalingrad ; puis, en avril, au squat Jean-Jaurès dans le XIXe arrondissement. D’août à novembre 2016, migrants et réfugiés politiques subissent 29 évacuations successives (!). 4 000 interpellations, 432 obligations de quitter le territoire et autres rétentions et gardes à vue. Novembre 2016, grosse opération de police. Démantèlement des campements les plus importants. Ouverture du centre dit « humanitaire » de Paris-Nord et de celui d’Ivry-sur-Seine. Ils sont rapidement engorgés. Campements sauvages.

Au CHU de Boulogne-Billancourt, 16 hébergés sont expulsés avec des gaz lacrymogène. Leur crime ? « Avoir osé demander de l’eau chaude, du chauffage et la distribution de courrier »… Dans le XVIe arrondissement, un comité de bourgeois, racistes, xénophobes s’opposent à l’ouverture d’un centre d’accueil pour les sans-abris à la lisière du bois de Boulogne. La mairie de Paris résiste et l’ouvre malgré les oppositions des riverains. Mai à septembre 2017, tirs journaliers de gaz lacrymogènes devant le centre de la Porte de la Chapelle. 9 mai, 1 609 personnes sont violemment expulsées. 7 juin : 2 771. 18 août, encore 2 500.

Septembre, la presse dévoile un projet de loi sur l’immigration pour 2018. Il prévoit le doublement de la durée d’enfermement en centre de rétention et l’augmentation des expulsions… Heureusement, face à cette situation catastrophique, une résistance se développe au quotidien. Quelques exemples. Depuis l’été 2015, le collectif Bienvenue chez toi envoie des enseignant.es bénévoles dans les lieux d’accueil pour mettre en place des ateliers de langue à destination des migrants. Une fois formés, des migrants-aidants jouent à leur tour le rôle d’interprètes, d’accueil et pratiquent l’aide juridique et le soutien des nouveaux arrivants. Dans une longue interview, Bahia, jeune professeure devenue militante du droit d’asile, raconte la vie quotidienne des campements du Nord-Est parisien entre l’automne et l’hiver 2015-2016. La bataille quotidienne contre les sectes et les trafiquants qui investissent les camps ; les affrontements avec la police ; les réticences du personnel des préfectures. Car, si de plus en plus de personnes soutiennent les exilé.es, ils sont aujourd’hui criminalisées (saisies, gardes à vue, procès, condamnations pénales ou pécuniaires).

« Ouvrez les frontières », est une fiche pratique qui explique comment réagir si vous êtes témoin d’une expulsion dans un aéroport ou dans un avion. Enfin, le dernier volet du dossier revient sur l’attitude honteuse des gros bras de la CGT qui ont évacué de force la Bourse du travail de Paris, occupée par les sans-papiers en 2009. Les autres rubriques du n° 11 de Z présentent une enquête sur la gestion sociale des exilé.es. « Les voix de la rue », un reportage sur les exclu.es, classe refoulée des sociétés d’abondance. « Pour l’instant c’est là qu’on habite », un journal de bord réalisé dans un foyer pour femmes du XXe arrondissement de Paris. « L’industrie du social » se penche sur la dérive du secteur des travailleurs sociaux soumis au même processus d’industrialisation que le secteur médical : concentrations, restructurations, mécanisation du travail et production incessante de chiffres…

Un autre article raconte comment les précaires sont pris dans la toile d’araignée des fichiers informatiques. « Autonomie précaire » rend compte de ces espaces créés par des précaires qui s’auto-organisent, pratiquent l’entraide et la conquête de moyens de subsistance collective. D’autres rubriques passionnantes sur le secteur social. « Un rêve fait maison », une BD, est la petite histoire des auto-constructions collectives, Les Castors, dans les années 1950… Z, une revue instructive, passionnante, mais surtout réalisée par des militants et des personnes agissant sur le terrain et qui, eux, savent de quoi ils parlent !...

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PAR : Patrick Schindler, groupe Botul de la Fédération anarchiste
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