Histoire > 1519-1522 : la guerre des Germanias, l’union des corps de métier face à la tyrannie
Histoire
par Paul Leboulanger • le 22 septembre 2017
1519-1522 : la guerre des Germanias, l’union des corps de métier face à la tyrannie
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Il y a 500 ans, les Valenciens chassaient la noblesse, brûlaient palais et châteaux et réclamaient une autogestion populaire. La Couronne espagnole dut employer toutes ses forces, pendant deux années de guerre, pour mettre fin à la colère de la cité portuaire.
Contrairement aux idées reçues, le peuple espagnol n’a jamais accepté sans ciller la domination des têtes couronnées. Les nombreuses révoltes du XIXe et l’anarchisme catalan du siècle passé en attestent. Léo Ferré chantait d’ailleurs « La plupart Espagnols, allez savoir pourquoi. Faut croire qu’en Espagne on ne les comprend pas, les anarchistes... » C’est au début du Siècle d’Or, sous le jeune Charles Quint, que les troubles contre l’ordre monarchique ont été les plus virulents.
En 1519, avant même le soulèvement de la Castille contre un roi déjà haï, les habitants de Valence se rebellent contre le système seigneurial. En cause, la fuite des chevaliers lors de la peste, l’augmentation de la fiscalité et l’impunité des puissants devant la justice. Le rejet du monde nobiliaire atteint alors un degré éblouissant. Si l’ordre des chevaliers était encore intact, c’était par le manque de cohésion du peuple et par la duplicité des bourgeois qui contrôlaient la ville.
Une union des classes laborieuses
Mais en 1519, Valence s’agite. Toutes les corporations de métier, appelées gremios, décident d’unir leurs forces pour prendre les commandes de leur destin. Un artisan du nom de Joan Llorenç centralise le mouvement et lui donne une résonnance politique. Les rebelles prennent le nom d’agermanats, c’est-à-dire « ceux qui ont fraternisé », et régulent le commerce, favorisent les plus démunis et mettent sur pieds leur propre armée.
« Mort aux chevaliers ! Vive la fraternité », criaient les habitants de Valence en armes. Les 99% se lèvent contre les 1%. C’est Podemos avant l’heure... et en plus violent. Un vice-roi est nommé en urgence par Charles Quint. Il s’appelle Diego de Mendoza et se gargarise d’avoir anéanti Grenade lors des guerres de Reconquête. Il exige que le peuple dépose les armes et dissolve son assemblée politique, la Germania.
La radicalisation, le conflit et la désillusion
Joan Llorenç, le chef plutôt modéré, meurt subitement d’une crise cardiaque. C’est Vicente Peris, un marchand de velours belliqueux et déterminé, qui prend les commandes de la guerre. Le vice-roi est chassé de la ville, les nobles fuient en pagaille : coupé, le visage de la tyrannie ! Vicente Peris étend la guerre dans toute la contrée, soulève les populations, prend des places fortes. Partout, on organise la vie par ses propres moyens, on refait la justice.
Mais peu à peu, les forces des agermanats réduisent comme une peau de chagrin et le vice-roi obtient des renforts de Castille. Les villes rebelles sont foudroyées par l’élan royal. La contre-offensive fait perdre les illusions de nombreux révoltés, qui tentent de négocier la paix à Valence. Vicente Peris, lui, croit encore à la victoire. Il quitte la ville avec quelques dizaines de fidèles et se réfugie dans une forteresse, où il tient prisonnier le frère du vice-roi.
Mourir pour la liberté
En 1522, trois ans après le début des Germanias, Vicente Peris voit le rêve de tout un peuple partir en fumée. Il décide de tenter le tout pour le tout et se rend à Valence incognito. Il s’installe dans sa boutique et fédère le peuple pour un ultime combat. Le vice-roi Mendoza est averti et lance une terrible offensive. Tous ceux qui avaient pris part à la rebellion sont torturés et assassinés sans procès.
500 ans après les événements, les paroles du chef des rebelles, Vicente Peris, résonnent encore : « Le combat pour la justice doit demeurer dans nos esprits endoloris ».
Bibliographie
FERNANDEZ HERRERO, Historia de las Germanias de Valencia
VICIANA (DE) Marti, Libro quarto de la Cronica de la inclita y coronada ciudad de Valencia y de su reino, Fonts historiques valencianes, Universitat de Valencia, 2005.
Contrairement aux idées reçues, le peuple espagnol n’a jamais accepté sans ciller la domination des têtes couronnées. Les nombreuses révoltes du XIXe et l’anarchisme catalan du siècle passé en attestent. Léo Ferré chantait d’ailleurs « La plupart Espagnols, allez savoir pourquoi. Faut croire qu’en Espagne on ne les comprend pas, les anarchistes... » C’est au début du Siècle d’Or, sous le jeune Charles Quint, que les troubles contre l’ordre monarchique ont été les plus virulents.
En 1519, avant même le soulèvement de la Castille contre un roi déjà haï, les habitants de Valence se rebellent contre le système seigneurial. En cause, la fuite des chevaliers lors de la peste, l’augmentation de la fiscalité et l’impunité des puissants devant la justice. Le rejet du monde nobiliaire atteint alors un degré éblouissant. Si l’ordre des chevaliers était encore intact, c’était par le manque de cohésion du peuple et par la duplicité des bourgeois qui contrôlaient la ville.
Une union des classes laborieuses
Mais en 1519, Valence s’agite. Toutes les corporations de métier, appelées gremios, décident d’unir leurs forces pour prendre les commandes de leur destin. Un artisan du nom de Joan Llorenç centralise le mouvement et lui donne une résonnance politique. Les rebelles prennent le nom d’agermanats, c’est-à-dire « ceux qui ont fraternisé », et régulent le commerce, favorisent les plus démunis et mettent sur pieds leur propre armée.
« Mort aux chevaliers ! Vive la fraternité », criaient les habitants de Valence en armes. Les 99% se lèvent contre les 1%. C’est Podemos avant l’heure... et en plus violent. Un vice-roi est nommé en urgence par Charles Quint. Il s’appelle Diego de Mendoza et se gargarise d’avoir anéanti Grenade lors des guerres de Reconquête. Il exige que le peuple dépose les armes et dissolve son assemblée politique, la Germania.
La radicalisation, le conflit et la désillusion
Joan Llorenç, le chef plutôt modéré, meurt subitement d’une crise cardiaque. C’est Vicente Peris, un marchand de velours belliqueux et déterminé, qui prend les commandes de la guerre. Le vice-roi est chassé de la ville, les nobles fuient en pagaille : coupé, le visage de la tyrannie ! Vicente Peris étend la guerre dans toute la contrée, soulève les populations, prend des places fortes. Partout, on organise la vie par ses propres moyens, on refait la justice.
Mais peu à peu, les forces des agermanats réduisent comme une peau de chagrin et le vice-roi obtient des renforts de Castille. Les villes rebelles sont foudroyées par l’élan royal. La contre-offensive fait perdre les illusions de nombreux révoltés, qui tentent de négocier la paix à Valence. Vicente Peris, lui, croit encore à la victoire. Il quitte la ville avec quelques dizaines de fidèles et se réfugie dans une forteresse, où il tient prisonnier le frère du vice-roi.
Mourir pour la liberté
En 1522, trois ans après le début des Germanias, Vicente Peris voit le rêve de tout un peuple partir en fumée. Il décide de tenter le tout pour le tout et se rend à Valence incognito. Il s’installe dans sa boutique et fédère le peuple pour un ultime combat. Le vice-roi Mendoza est averti et lance une terrible offensive. Tous ceux qui avaient pris part à la rebellion sont torturés et assassinés sans procès.
500 ans après les événements, les paroles du chef des rebelles, Vicente Peris, résonnent encore : « Le combat pour la justice doit demeurer dans nos esprits endoloris ».
Bibliographie
FERNANDEZ HERRERO, Historia de las Germanias de Valencia
VICIANA (DE) Marti, Libro quarto de la Cronica de la inclita y coronada ciudad de Valencia y de su reino, Fonts historiques valencianes, Universitat de Valencia, 2005.
PAR : Paul Leboulanger
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