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par Voie libre – Liaison des cheminots de la Fédération anarchiste le 19 mars 2018

SNCF : au train où vont les choses, comment sortir du tunnel ?

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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1791 de janvier 2018
Accélérer la casse du service public ferroviaire entamée il y a une vingtaine d’années par la gauche plurielle et poursuivie depuis avec constance et détermination par tous les gouvernements constitue aujourd’hui le cap du président Macron qui entend bien ajouter sa contribution à l’entreprise de démolition.

En 1997, le ministre communiste Claude Gayssot découpe l’entreprise intégrée depuis sa création en 1937 en séparant le réseau de l’exploitation. Réseau ferré de France (RFF) est alors créé et récupère une dette de 30 milliards d’euros, dette générée par la volonté de l’État de multiplier les constructions de lignes à grande vitesse mais sans en assumer le coût financier. Les relations avec la SNCF deviennent très rapidement conflictuelles tandis que la dette de RFF va augmenter de manière exponentielle et dépasser 45 milliards d’euros, ce qui va provoquer une dégradation rapide du réseau. La catastrophe de Brétigny-sur-Orge en 2013 en illustre la malheureuse et logique conséquence.

Un sabotage organisé


Prenant acte de l’échec de la séparation du réseau et de l’exploitation, et de l’impasse financière du système ferroviaire, le gouvernement Valls vote en 2014 la loi portant sur la réforme ferroviaire qui, comble du cynisme, va aggraver le découpage du système ferroviaire en créant trois entités : SNCF Réseau qui remplace RFF, SNCF Mobilités et SNCF EPIC de tête. La dette ferroviaire qui devait intégrer la dette publique et lui faire franchir le seuil symbolique des 100 % du PIB, est alors maintenue dans les comptes de la SNCF. Aujourd’hui un cheminot consacre une journée sur sept de son travail au remboursement d’une dette imposée au système ferroviaire et dont l’État est pourtant le seul responsable.

Le fret ferroviaire a été victime d’un véritable sabotage initié par l’ouverture à la concurrence dès 2006, poursuivi par la casse de l’outil industriel (division par trois des effectifs et du parc de locomotives, par cinq du nombre de triages et par deux du trafic transporté) et amplifié par une politique outrageusement favorable au camion (augmentation du poids total roulant autorisé à 44 tonnes, coûteux abandon de l’écotaxe, salaires et conditions de travail déplorables...). Parmi la vingtaine d’opérateurs privés de transport de fret, tous sont déficitaires et ECR, le plus important d’entre eux, a licencié cette année un quart de ses effectifs.

Plus c’est gros, plus ça passe


En juillet dernier, le président Macron a participé à un entretien avec des cheminots triés sur le volet à l’occasion de l’inauguration des lignes à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique (Tours-Bordeaux) et Bretagne - Pays-de-la-Loire (Le Mans-Rennes). Ces échanges publiés dans le journal patronal interne à la SNCF Les Infos Le Mag annonçaient l’ambition du nouveau gouvernement de « réinventer » la SNCF du XXIe siècle et transformer l’entreprise historique de service public en leader mondial du transport multimodal et de la logistique.

Macron y dévoile sa stratégie : en échange de la reprise par l’État de la dette ferroviaire, les cheminots doivent renoncer à leur régime spécial de retraite. Ensuite, l’ouverture à la concurrence sera généralisée au transport de voyageurs et les appels d’offres seront rendus obligatoires.





Plus c’est gros et plus ça passe ! Il y a trois ans le gouvernement prétendait réunifier la SNCF divisée en deux, il aggravera le découpage en créant trois nouvelles entités. Aujourd’hui, une dette résultant d’une politique clientéliste des gouvernements successifs affecte profondément et durablement le service public ferroviaire entraînant fermetures de lignes, fragilisation et dégradation de l’infrastructure (pannes comme à Montparnasse, ralentissements sur 4 000 km de lignes...), tandis que les conditions de travail des cheminots se détériorent : réorganisations permanentes, suppressions massives de postes (4 000 par an pendant sept années consécutives), gel des salaires depuis trois ans, hausse de productivité exponentielle (40 % en dix ans). La sécurité ferroviaire, colonne vertébrale de la circulation des trains et de l’identité cheminote est menacée : d’une culture du « risque zéro », la direction veut substituer la culture du « risque calculé ».

Après les contre-réformes consécutives des retraites, les cheminots travailleront selon les métiers entre cinq et douze ans de plus pour toucher une pension complète. L’année dernière, le gouvernement a abrogé le RH 0077, texte régissant l’organisation du travail des cheminots et issu des retours d’expériences de dizaines de générations de cheminots en matière de sécurité ferroviaire. Un décret socle, un accord de branche et un accord d’entreprise s’y sont substitués avec comme objectif de mettre en place un véritable dumping social.

L’ouverture à la concurrence a justement pour but de transférer les agents de la SNCF dans des entreprises privés et les soumettre non plus à l’accord d’entreprise SNCF mais à l’accord de branche bien plus régressif.

Solidarité et conscience de classe


Les prochaines semaines et les prochains mois seront le théâtre d’un affrontement majeur du monde cheminot contre la double offensive de l’État et du Capital visant à supprimer le régime spécial des cheminots et dissoudre, par l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs, l’entreprise publique SNCF dans une multitude de filiales et d’entreprises privées, animées par la seule logique de profit.

Au-delà de l’aspect économique, c’est également l’identité cheminote faite de conscience de classe, de solidarité et de culture technique qui est attaquée.

Dans cette lutte vitale, notre solidarité de classe sera mise à l’épreuve. Il appartiendra aux cheminots de réaliser l’unité à la base, dans les assemblées générales souveraines et les comités de grève élus et révocables, au-delà des clivages et des divisions syndicales. La stratégie mortifère des journées d’actions carrées devra être rejetée dès le début et les bases d’une grève reconductible et d’un blocage total des circulations débattues et mises en œuvre.

Les anarchistes ont des propositions sur l’auto-organisation des luttes et sur la réappropriation de l’outil de travail dans la perspective d’un service public ferroviaire de fret et de voyageurs débarrassé des parasites étatiques et patronaux et tiendront leur place dans les luttes qui se profilent.
PAR : Voie libre – Liaison des cheminots de la Fédération anarchiste
Contact : voie-libre@federation-anarchiste.org
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