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par Daniel Pinós le 26 juin 2022

Le gouvernement espagnol vend le territoire sahraoui en échange de gaz et de frontières blindées

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Article extrait du Monde libertaire n° 1839 de mai 2022



Camp de réfugiés

Le changement de politique étrangère de l’Espagne sur le conflit du Sahara occidental vise à permettre à nouveau l’arrivée du gaz algérien et à protéger le rôle de gendarme du Maroc à la frontière sud de l’Union européenne.

Le 18 mars, la lettre du Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, au Roi du Maroc, Mohamed VI, a été rendue publique. Dans cette lettre, l’État espagnol reconnaît pour la première fois l’occupation illégale du Sahara Occidental par le régime marocain. Sánchez accepte la proposition d’une autonomie régie par la monarchie alaouite. Selon la lettre, cela constituerait « la base la plus sérieuse, la plus réaliste et la plus crédible pour le règlement du différend ».
Le soutien officiel de l’État espagnol aux résolutions de l’ONU sur la tenue d’un référendum d’autodétermination est abandonné. Un revirement de la position traditionnelle espagnole qui corrobore ce qui avait déjà été fait de facto par les différents gouvernements du régime issus de la Transition de 1978.

Quand deux monarques décident du sort d’un peuple
Pendant 47 ans, l’UCD (centre-droit), le PSOE (socialiste) et le PP (droite) ont soutenu les demandes du peuple sahraoui avec des paroles, tandis qu’aux moyens de leur véritable politique étrangère, ils approuvaient l’occupation marocaine du Sahara, en échange de la participation au pillage de ses ressources par des entreprises espagnoles dans les secteurs de la pêche, de la construction et de l’énergie – comme King Pesca, Acciona ou Gamesa – et des accords avec la dictature de Mohamed VI pour faire le sale travail en contrôlant la frontière sud de l’Union européenne.
Cette politique a fait et fait toujours partie des politiques d’État de l’impérialisme espagnol. Le Sahara occidental, en tant que colonie africaine espagnole, a été remis à Hasan II, père de l’actuel monarque, par Juan Carlos Ier en novembre 1975. Un pacte entre les deux maisons royales, sponsorisé par les États-Unis, l’Arabie Saoudite et Israël.

La décision de Pedro Sánchez revêt toutefois une grande importance. Elle consolide l’alignement de l’Espagne sur la dictature marocaine contre le peuple sahraoui, comme l’ont fait récemment le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, et les administrations Trump et Biden.
Avec cet avenant, de bonnes relations diplomatiques entre les royaumes d’Espagne et du Maroc ont été rétablies. La crise ouverte après le retour des affrontements armés entre l’armée d’occupation et le Front Polisario en novembre 2020 est donc close. Un conflit qui non seulement fait des morts, mais crée des conditions de vie indignes pour la population, outre la répression, l’emprisonnement et la torture des voix dissidentes. 

Ce « succès » de la diplomatie espagnole et européenne, dont l’ancien président du gouvernement Zapatero s’est félicité vendredi, est une caution à l’offensive de l’impérialisme espagnol et européen dans le contexte guerrier et belliciste que traverse l’Europe après l’occupation russe de l’Ukraine.

Si sous Juan Carlos Ier, le peuple sahraoui a été vendu en échange du soutien de Washington et des pétrodollars pour le processus de Transition, sous le règne de son fils, Felipe VI, l’objectif est d’augmenter l’arrivée de gaz maghrébin vers l’UE et de consolider le rôle de gendarme de Mohamed VI face à l’augmentation prévisible de l’arrivée de millions d’êtres humains en provenance d’Afrique dans les prochaines années.

Sacrifiés pour un gazoduc



1976. Combattante du Polisario

Après une longue guerre entre le Front Polisario et les forces d’occupation qui a duré jusqu’en 1991, un référendum d’autodétermination parrainé par l’ONU a été accepté. Toutefois, cette opération a été reportée à plusieurs reprises. En novembre 2020, suite à des attaques marocaines sur certaines parties des zones libérées du Gerguerat, le conflit armé a repris jusqu’à aujourd’hui.
La reprise de la guerre a entraîné une crise diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, et le premier avec l’État espagnol, notamment après l’accueil du chef du Polisario, Brahim Gali, en mai 2021, pour un traitement hospitalier.
Cette crise a conduit au non-renouvellement en novembre 2021 du contrat d’approvisionnement de 25 ans entre l’algérien Sonatrach et Naturgy, et entre Naturgy et le Maroc, pour l’exploitation et la maintenance des 500 kilomètres du gazoduc Maghreb-Europe sur le sol marocain, par lequel transitent 40 % du gaz algérien acheminé par gazoduc vers la péninsule.
Sa fermeture a fait chuter la quantité de gaz algérien transporté par cette méthode de 52 % à 31 %, augmentant la quantité arrivant dans les méthaniers jusqu’à 70 % à un coût jusqu’à 30 % plus cher.
La recherche d’alternatives rapides au gaz russe a accéléré les négociations avec d’autres producteurs, dont l’Algérie, pour augmenter leur production et leurs expéditions. La démarche espagnole, précédée par la démarche allemande, vise à normaliser les relations avec le Maroc comme première étape pour faciliter le rétablissement du flux de gaz par le gazoduc fermé dès que possible.
Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a assuré que le changement de position sur le Sahara occidental ne mettait pas en péril les relations avec l’Algérie, un allié traditionnel du Polisario. Reste à savoir si le pari espagnol sera payant ou non. La première réaction de l’Algérie a été de rappeler son ambassadeur pour des consultations.
Il ne semble pas que le gaz circule à nouveau. Bien que nous ne puissions pas exclure la possibilité que le régime réactionnaire algérien finisse également par participer à cette vente du peuple sahraoui en échange de pouvoir vendre le plus de gaz possible, en profitant des prix élevés du marché.
Il s’agit d’une autre conséquence de l’ « effet papillon » généré par la guerre en Ukraine et l’escalade du bellicisme de l’impérialisme européen sous la forme de plans de réarmement et de guerre économique.

le Maroc, chien de garde de l’Europe
L’autre grande politique impérialiste que cette normalisation des relations vise à consacrer est le rôle du Maroc en tant que gendarme de la politique migratoire de l’Union européenne. Les prévisions d’un monde beaucoup plus convulsif – avec des conséquences très graves dans les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui ont déjà connu de multiples conflits armés, et maintenant une menace alarmante pour la sécurité alimentaire – conduiront l’Europe, qui aujourd’hui parle cyniquement d’accueil en se référant aux réfugiés ukrainiens, à déployer des politiques de plus en plus agressives pour repousser l’arrivée des personnes.
Le fait que la gendarmerie marocaine continue à faire une grande partie du sale boulot en surveillant les côtes du Sahara occidental et du nord du Maroc est encore plus important maintenant que dans le Mali voisin où le gouvernement a « sous-traité » ce travail à des sociétés mercenaires russes dans le cadre de ses forces armées.

Podemos or no podemos, that is the question.
La décision de Pedro Sánchez a une fois de plus suscité des désaccords au sein de la coalition gouvernementale. Unidas Podemos a rejeté le contenu de la lettre et s’est prononcé en faveur d’un référendum d’autodétermination comme seule solution.
Cependant, comme pour le reste des divergences exprimées ces dernières semaines sur la politique de réarmement ou l’envoi d’armes à l’Ukraine, le maintien des ministres d’Unidas Podemos au sein du « gouvernement le plus progressiste de l’histoire » reste incontesté. Les déclarations et les tweets sont des fumigènes qui contrastent avec l’aval que leur présence au gouvernement signifie pour des politiques de plus en plus réactionnaires et impérialistes.

Ce nouveau coup, porté à la cause du peuple sahraoui par son ancienne puissance coloniale, a suscité l’indignation et un fort mouvement de solidarité dans l’État espagnol.




Plusieurs mobilisations ont eu lieu en solidarité avec la lutte du peuple sahraoui et pour lutter contre le gouvernement PSOE-Unidas Podemos, qui est responsable de l’occupation, du pillage et de l’exil perpétuel de milliers de Sahraouis.

Les entreprises espagnoles et européennes sont impliquées dans le pillage du Sahara occidental et de ses côtes, elles livrent des armes et de matériel militaire au régime marocain. Le gouvernement espagnol mène une politique réactionnaire vis-à-vis des migrants en blindant ses frontières et en faisant de Mohamed VI un partenaire privilégié.

Si la lettre de Pedro Sánchez démontre quelque chose, c’est qu’une solution au conflit aux mains de l’ONU ou de la communauté internationale est une simple illusion. La lutte des Sahraouis contre l’occupation marocaine, contre les camps et contre les territoires occupés, doit être liée et soutenue par ceux qui luttent contre la dictature de Mohamed VI au Maroc.



PAR : Daniel Pinós
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