Des papiers pour tous et toutes

mis en ligne le 30 novembre 2004

Lille

Depuis sa création, le collectif des réfractaires à toutes les lois anti-immigrés a multiplié les actions de solidarité avec la lutte des sans-papiers [Un premier bilan de ses activités a été publié dans le Monde libertaire n° 1076]. Comme l'avait fait plusieurs libertaires lillois suite aux coups de haches de Saint-Bernard fin août 1996 (Le Monde libertaire n° 1050), ou le Collectif pour l'abolition des frontières le 31 janvier 1997 (Le Monde libertaire n° 1070), plusieurs réfractaires occupèrent, le 18 mars, les locaux d'Air France afin de rappeler une nouvelle fois que « cette compagnie participe activement à l'organisation des départs forcés qui sont le moment le plus visible du parcours police-justice-camps de rétention-expulsions ». Au même titre que certaines administrations, Air France « collabore à la xénophobie d'État qui fait de l'étranger le bouc-émissaire systématique ».

Après s'être opposé le 22 mars à une diffusion de tracts de l'UNI [Syndicat fortement marqué à droite voire à l'extrême droite pour certains de ses membres] qui soutenait de façon inconditionnelle le projet de loi Debré et reprochait au président de Lille III d'avoir autorisé la tenue d'un débat avec les sans-papiers au sein de l'université, les réfractaires sont venus le 29 mars à Strasbourg manifester non seulement contre la menace fasciste que représente le Front national mais également contre la banalisation de ses idées dans l'ensemble de la classe politique. Les gesticulations électorales de ces dernières semaines et le retour de la gauche aux commandes du pays des «droits de l'homme» n'ont en rien détourné le collectif de sa détermination à agir.

En effet, les réfractaires n'oublient pas que si le Parti socialiste en est venu à promettre d'abroger les lois Pasqua-Debré, alors que dans un premier temps il ne proposait que de les aménager, ce ne fut que pour surfer sur la vague pétitionnaire lancée par les cinéastes. Ils n'oublient pas que si Pierre Mauroy et Martine Aubry finirent par se décider à « apporter leur sympathie » aux sans-papiers lillois, ils se refusaient dans le même temps à leur accorder un local tout en leur demandant de quitter la Maison de la nature et de l'environnement occupée depuis plusieurs mois car ils affirment, en tant qu'élus, ne pas pouvoir se placer dans l'illégalité. Aussi, les réfractaires entendent rester vigilants et maintenir la pression.

Des papiers, pas des promesses !

La présence de Jacques Chirac à Lille ce samedi 7 juin, venu prendre la parole devant les délégués de la Mutualité française et inaugurer le Palais des Beaux-Arts en compagnie du sénateur-maire de Lille et de quelques uns des nouveaux ministres socialistes, était l'occasion rêvée de signifier à la gauche revenue au pouvoir qu'elle ne pouvait pas se contenter de vagues promesses électorales. Le Comité des sans-papiers avait appelé à un rassemblement sur la place de la République, devant le palais des Beaux-Arts, pour demander à être reçu en délégation par Chirac. Parallèlement, les policiers en civil ont tenté en vain d'empêcher les réfractaires de déployer une banderole contre le fascisme et la xénophobie d'État. Pendant environ une demi-heure les membres du collectif scandèrent plusieurs slogans qui ne furent pas du goût du docteur es dissolution parlementaire et des pontes socialistes : « de gauche comme de droite, à bas les lois racistes », « des papiers pour tous », « police partout, justice nulle part », « les élections n'ont jamais rien changé, c'est dans la rue qu'il faut lutter ». Cette fois épaulés par leurs collègues en uniformes les policiers en civil parvinrent, avec difficulté cependant, à déchirer la banderole et à refouler les militants antifascistes.

De son côté, après un bain de foules parmi ses sympathisants venus l'acclamer, Chirac s'éclipsa plus ou moins discrètement sans rencontrer les sans-papiers comme cela avait pourtant été annoncé à deux reprises [Nord-Éclair des 8 et 9 juin 1997. Baveux qui qualifia la banderole des réfractaires de « fantaisiste » dans son compte rendu.]. Comme quoi pour les politiciens les promesses n'engagent que ceux qui y croient !