Touchez pas au Cara, ok !

mis en ligne le 27 mars 2014
1736FroidTueÀ Saint-Ouen, la mairie à majorité Front de gauche jette à la rue les jeunes travailleurs, et s’apprête à fermer le « Cara », leur foyer.
Ça a commencé en janvier : sans aucune concertation, sans information d’aucune sorte, une quinzaine d’habitants de ce foyer jeunes travailleurs (FJT) recevait un avis d’expulsion, pardon : un « avis d’exclusion administrative », selon la terminologie désormais consacrée en matière de FJT. Les personnes concernées, en retard de paiement de loyer se voyaient alors signifier qu’elles avaient quinze jours pour évacuer les lieux (rappelons que sur environ 130 personnes logeant là on compte bien entendu une grosse majorité d’étudiants et de travailleurs pauvres ou de chômeurs, pour certains endettés). À la suite de cette première vague, on apprenait que d’autres expulsions étaient prévues pour le 31 janvier, et ceci au mépris d’une trêve hivernale traditionnellement respectée dans le cas des FJT, mais qu’un flou juridique permet de contourner, ce que ne s’est pas privée de faire Jacqueline Rouillon, maire de Saint-Ouen, pourtant membre du Front de gauche. Un mouvement de soutien aux habitants du foyer s’est alors mis en place, à l’instigation du Collectif Action des Résidents du Cara. Le 29 janvier, devant la mairie, nous étions une bonne centaine à demander des éclaircissements quant à l’avenir du foyer et de ses habitants. Une délégation fut reçue. Dans leur immense mansuétude, les élus acceptèrent de repousser la seconde vague d’expulsions à fin mars. C’est-à-dire, demain.
Quel avenir pour le foyer, pour ses habitants ? En ce qui concerne le bâtiment, nous savons désormais que sa fermeture définitive est prévue pour fin juin (d’où, sûrement une certaine précipitation et la fébrilité d’une municipalité qui, peut-être, imaginait que des jeunes aux ressources limitées se laisseraient jeter dehors sans opposer de résistance). Nous savons également qu’après réhabilitation, cet immeuble de treize étages situé en plein centre-ville et surtout à deux pas du siège social de l’Alstom, haut lieu du bizness international, sera transformé en hôtel qu’on imagine tout sauf « à vocation sociale ». Quel futur pour les habitants ? La mairie mène actuellement ce qu’elle nomme des négociations, ce que certains membres du Collectif appellent plus justement du pur pipeautage. « Ils nous baladent », résume Sofia, membre du Collectif. Aussi, si ce dernier a fait le choix, pour l’instant, de jouer à fond le jeu du dialogue, il ne se fait pas plus d’illusions que l’ensemble des habitants du foyer : un document écrit, signé, leur garantissant à tous et toutes une solution de relogement, s’est ainsi avec le temps transformé en rengaine de type : « On fera tout ce qu’on pourra faire ». Les demandes des habitants du Cara, via le Collectif, sont pourtant loin d’être excessives : pas d’expulsions sans relogements, et report de la fermeture définitive du foyer à fin juillet, en bref un mois de répit afin que ces futurs expulsés puissent préparer leur départ. C’est encore, semble-t-il, trop demander à une municipalité ayant encore l’audace de se prétendre communiste.
Détruire un FJT et lui substituer un hôtel dédié aux cadres de l’Alstom et autres victimes du jetlag, dégager de jeunes précaires au profit d’une population autrement « bankable », correspond bien, finalement, à la philosophie dominante relayée par des élus qui, tout en jouant sur l’aspect « populaire, solidaire » de la ville, n’en ont pas moins comme objectif que d’expulser hors de ses murs certaines populations, jugées trop peu rentables, un peu trop visibles également, trop présentes sur un territoire où gentrification et boboïsation avancent à marche forcée. Un exemple : dans le futur quartier des docks, immense et morne plaine à destination des jeunes couples parisiens à revenus ++, il est prévu la construction d’un nouveau FJT. Pourquoi dès lors ne pas réserver son accès en priorité aux habitants de l’actuel, en voie de fermeture ? La question, bien évidemment, fut posée aux élus : les chambres seront plus spacieuses, les équipements plus nombreux, donc les loyers plus élevés. Traduction : ce n’est pas pour vous. Ainsi, après les Roms (800 personnes jetées à la rue au début de l’hiver), voici venu le tour des travailleurs pauvres. Qui seront les prochains sur la liste ?
Le groupe Saint-Ouen-93 de la Fédération anarchiste s’associe et soutient pleinement la lutte du Collectif Action des Résidents du Cara, et à sa volonté d’éviter la mise à la rue de dizaines de jeunes précaires. Il doute cependant que l’embryonnaire négociation avec les élus locaux puisse déboucher sur autre chose que ce qui fut prévu par eux : expulsions de masse, et destruction du FJT. C’est pourquoi nous pensons que seul un rapport de force clairement établi et passant, nécessairement, par une occupation des lieux de longue durée et organisée, peut aboutir à un arrêt des expulsions et à imposer le maintien, dans notre centre-ville, d’un foyer jeunes travailleurs. À suivre…

Le groupe Saint-Ouen-93