Disparition des communes

mis en ligne le 6 février 2014
La disparition programmée des communes, des départements et d’un certain nombre de régions figurait déjà, en filigrane dans un rapport d’Olivier Guichard, qui date du 18 novembre 1986.
Le territoire français est constitué de 36 568 communes, de 101 départements et de 26 régions dont 22 en métropole. Cet héritage est insupportable et constitue un danger pour les politicards, sur les plans national et européen. C’est pourquoi l’État et les gouvernements successifs aux ordres de Bruxelles s’emploient à faire disparaître ce qui fait l’originalité de la France, la particularité de ce maillage.
Il est constitué de :
31 590 communes de moins de 2 000 habitants dont plus de 10 000 ont moins de 209 habitants ;
4 087 communes qui ont entre 2 000 et 10 000 habitants ;
777 communes qui ont entre 10 000 et 50 000 habitants ;
103 communes qui ont entre 50 000 et 200 000 habitants ;
11 communes qui ont plus de 200 000 habitants.
C’est ainsi que les 35 677 communes de moins de 10 000 habitants sont menacées de disparition à plus ou moins brève échéance.
Le dépeçage de notre système communal est engagé par les politicards de gauche comme de droite depuis le 31 décembre 1966, date à laquelle ont été créées les premières communautés urbaines (Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg.) Ensuite, se sont ajoutées : Brest, Cherbourg, Dunkerque, Le Creusot-Monceau-les-Mines, Le Mans, Alençon, Arras, Nancy, Nantes, Marseille, Toulouse et Nice.
Le lent processus de regroupement communal s’est accéléré à partir de la promulgation de la loi du 6 février 1992 qui autorisait la création de « communautés de communes ». Puis la procédure s’est emballée avec la loi du 12 juillet 1999 qui autorisait la création de « communautés d’agglomérations » et la loi du 16 décembre 2010 qui permet la création de « pôles métropolitains ».
C’est ainsi que la communauté urbaine de Nice s’est constituée en pôle métropolitain dès le 31 décembre 2011 dans le cadre de la loi de janvier 2010.
La loi du 20 décembre 2013 prévoit la création, par décret, de 13 métropoles pour les agglomérations de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier et Brest, pour le 1er janvier 2015.
Les métropoles d’ Aix-Marseille Provence et du Grand Paris soumises à un statut particulier seraient créées le 1er janvier 2016.
Quant à la métropole de Lyon, elle serait à partir du 1er janvier 2015 une collectivité territoriale à statut particulier qui remplacerait sur le territoire à la fois la communauté urbaine et le conseil général.
Certes, les dépeceurs avançaient jusqu’à ce jour plus ou moins masqués. Mais le discours du président de la République ce 14 janvier 2014 vient quelque peu éclairer, préciser et confirmer l’accélération du processus.
Quand le président parle de la création de treize métropoles compétitives aux niveaux européen et mondial, il dit également qu’il faut leur donner des compétences élargies ainsi que des moyens financiers renforcés. En fait, il va déshabiller les communes et supprimer les départements et un certain nombre de régions pour habiller les métropoles.
Les régions ne sont pas oubliées, les 26 régions, dont 22 en métropole. Leur nombre sera revu à la baisse, il n’en restera qu’une dizaine, mais elles seront dotées de nouvelles responsabilités empruntées aux compétences des conseils généraux. Déjà, les choses se mettent en place et se précisent, des fusions sont envisagées comme entre la Haute et la Basse-Normandie et la région Picardie… Quant aux départements qui sont situés dans les grandes aires métropolitaines, ils devront redéfinir leur avenir, pour ne pas dire disparaître. Dès 2015, la métropole de Lyon servira de test, puis celle d’Aix-Marseille Provence ainsi que le Grand Paris en 2016,viendront compléter l’expérimentation.
Toutes ces mesures annoncées figurent en filigrane dans un rapport de la commission de réflexion sur l’aménagement du territoire, dans le cadre d’une dimension européenne, daté du 18 novembre 1986 et présidée par Olivier Guichard.
Dans le langage politicien et social libéral, le mot décentralisation veut dire centralisation. Cette centralisation de tous les pouvoirs se fait dans le cadre d’une Europe entièrement soumise au grand patronat et à la finance : Banque centrale européenne, Banque mondiale et FMI (Fonds monétaire international).
D’ailleurs « le pacte de responsabilité » proposé par le très libéral Hollande en est la pleine illustration et il a reçu l’accord de quatre syndicats (CGT, CFDT, FSU et l’ UNA), sous la réserve que figure dans ce pacte « la conditionnalité » de la création d’emplois « durables », encore un mot à la mode !
On peut constater que l’Europe sociale est aux antipodes de leurs préoccupations. Et ce n’est pas avec de tels représentants politiques et syndicaux qu’elle verra le jour. D’où l’importance pour les travailleurs européens de s’organiser indépendamment de tous ces vendeurs d’orviétan.

L’intérêt politique pour les dépeceurs
Le dépeçage passe en priorité par l’intégration des communes ; elles sont un obstacle car elles représentent 36 568 pouvoirs (petits, moyens et grands), il faut donc s’assurer de la soumission des élus communaux. Apparemment, cela semble être fait et voilà pourquoi le dépeçage entre dans une phase très active. Il est en train de se faire au pas de charge. Il s’agit de regrouper l’ensemble des communes, des communautés de communes, d’agglomérations et urbaines sous la bannière des pôles métropolitains et de créer des mastodontes qui pourront regrouper, 2, 3, 5 millions, voire plus d’habitants. Certes, officiellement, les dépeceurs ne suppriment pas les communes puisqu’ils organisent régulièrement des « manipulations » (élections municipales) qui permettent à des politiciens d’usurper le pouvoir et qui aujourd’hui plus que jamais ne servent plus à rien dire, si ce n’est à élire des « pantins » pour donner l’illusion que nous sommes en démocratie.
Concrètement, les communes seront vidées de leurs substances, elles n’auront plus les moyens d’agir sur le quotidien au niveau local, communal, sans avoir l’accord du président/autocrate du pôle métropolitain. Pour faire accepter la fusion des communes, l’État et le gouvernement mettent une pression politique implacable (l’esprit de parti aide bien) mais aussi financière, par exemple en matière de dotation globale de fonctionnement. L’État versera aux petites communes et aux communes rurales 64 euros par habitant et aux communes urbaines 130 euros. Alors que ce sont les petites communes et les communes rurales qui ont le plus besoin de cette dotation, car les finances de ces communes sont grevées par des dépenses quasiment incontournables telles que l’entretien des voiries, les transports, la réhabilitation de bâtiments communaux, le maintien des services publics (écoles, poste…), les transports scolaires et plus récemment les nouveaux rythmes scolaires… Il s’agit d’amener les petits potentats locaux, ceux qui sont censés être au plus près des populations, à accepter sans rechigner le diktat de leurs suzerains. En contrepartie, ils se verront octroyer des postes de vice-président ou de président de commission quelconque… avec la rémunération qui va avec et nettement supérieure à celle d’un maire ou d’un adjoint d’une petite commune, voire d’une commune moyenne (10 000 habitants). Encore une fois, ce sont les populations qui feront les frais de ce recentrage politique. L’institutionnalisation des pôles métropolitains va éloigner les centres décisionnels des citoyens.
Les maires et autres conseillers, une fois élus, n’en faisaient déjà qu’à leur guise, sans consulter ni rendre de comptes aux populations ; avec ce fonctionnement autocratique, les pseudo-représentants des populations, nommés ou désignés, pourront abuser, imposer leurs décisions sans aucun contrôle, sans limite et sans risque.
Certes, nous les anarchistes nous avons toujours dit que les élus ne servent à rien, sinon à être au service des intérêts du grand capital et du patronat. En passant, ils n’oublient pas leurs propres intérêts financiers et peuvent assouvir leur soif de pouvoir et d’autoritarisme. Ils s’octroient à eux-mêmes, aux membres de leurs familles et à leurs amis des avantages non négligeables (voiture de fonction, chauffeur, appartements, emplois…). Ils usurpent leurs fonctions en prétendant que ,lorsqu’ils sont élus, ils sont au service de « toute » la population (sic !). Ils vont même jusqu’à affirmer que la fonction d’élu est une profession, un métier. Ce qui est absolument faux car s’occuper de la chose publique relève du bénévolat, donc il n’est pas question de rémunération si ce n’est des remboursements pour des frais de représentation et de déplacement.
Mais ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir est autrement plus dangereux, foncièrement antidémocratique et ressemble fort à de multiples coups d’État, car les suzerains et tous leurs vassaux qui occupent et occuperont des fonctions au sein des pôles métropolitains sont et seront nommés ou désignés par leurs pairs. En fait, les faquins continueront de garder l’appellation « commune » et d’organiser des élections municipales tandis que les maires et les conseillers municipaux ne décideront plus rien ; ce sont les présidents des communautés de communes ou des communautés d’agglomérations et, demain, des pôles métropolitains qui détiendront tous les pouvoirs.
Les communes deviennent des coquilles vides.
Il faut en profiter car la nature a horreur du vide, les citoyens doivent donc impérativement saisir l’occasion de prendre possession de leurs lieux de vie. Ainsi, ils feront l’apprentissage de l’autogestion en permettant à tous les membres qui habitent la commune d’être partie prenante de la vie sociale et de l’organisation de la société. Ils donneront un véritable sens à la parole collective, ils développeront l’esprit critique, l’esprit d’initiative, le goût de la liberté, des responsabilités à l’égard d’eux-mêmes et du collectif. Ils pourront s’appuyer sur l’important maillage associatif, sur les réseaux d’échanges existants comme les SEL (système d’échange local), les garages associatifs (voitures et vélos, couture et maraîchage), sur les structures qui pratiquent déjà une certaine forme d’autogestion comme les SCOP (société coopérative ouvrière de production), les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne).
Ainsi, les intermédiaires, les profiteurs, les suceurs de sang, la vermine politicarde et patronale seront éliminés. Alors, ils pourront entamer la construction d’une société sans intermédiaire et sans dirigeant. En faisant des communes, du secteur associatif et coopératif, des groupements sociaux, des syndicats et des collectifs culturels, économiques les éléments de base de la société autogestionnaire, libertaire et fédéraliste.
Ils se donneront les moyens de mettre définitivement un terme aux activités des nuisibles qui pullulent dans les structures étatiques et les parlements mais aussi dans les structures municipales, départementales, régionales et administratives.