Les réactionnaires en action

mis en ligne le 21 novembre 2013
Certes, on n’est pas aux États-Unis, ce pays régulateur de nos vies à plus d’un niveau. Il y a les agréables, la musique entre autres, mais le gendarme autoproclamé du monde a d’autres ambitions, lesquelles sont dictées par son dollar « En Dieu nous avons confiance ». On va passer sur les autres dégâts pour en retenir un qui fait fracas : l’avortement libre et gratuit. Des médecins pratiquant l’interruption de grossesse tués par balle, il y en a eu plus d’un dans le pays du Mississippi.
Dans le vieux continent, on n’a pas encore eu de tels forcenés, mais c’est dans la tête de certains. SOS Tout Petits et tutti quanti ont eu un bain de jouvence avec les hardes au cordeau qui ont défilé contre le mirage pour tous. On ne reviendra pas sur ces parades qui rassemblaient grenouilles de bénitier et autres bondieuseries sur deux pattes, sans oublier, cerise sur le gâteau, les gros bras de l’extrême droite. Comme les ouailles et les timoniers du FN poussent des cris d’orfraie dès qu’on les qualifie d’extrémistes sur l’échiquier politique, les vieilles structures ayant depuis longtemps pignon sur rue font des réapparitions.
Faire voter une loi ne suffit pas toujours, loin s’en faut. En France, la loi sur l’IVG n’a pas fait exception à cette règle et, dès le début, ses adversaires n’ont eu de cesse de s’y soustraire ou de la contourner. Les praticiens qui y étaient hostiles n’ont évidemment pas manqué de faire jouer la « clause de conscience » leur permettant de ne pas procéder à tout acte en contradiction avec leur morale. Seule obligation : signifier immédiatement leur refus à la patiente désirant mettre un terme à sa grossesse – mais sans obligation de lui indiquer un confrère pratiquant régulièrement des IVG. Un chef d’équipe chirurgicale dans un hôpital du service public peut, lui aussi, refuser de pratiquer personnellement cet acte médical, mais il doit alors permettre d’en organiser la pratique. En théorie. Parce que, sur le « terrain », c’est souvent moins évident, et les pressions sont évidemment fortes pour empêcher l’application de la loi. Il n’y a qu’à voir les rassemblements des anti-IVG devant certains hôpitaux, comme par exemple celui de Tenon, à Paris, où des « fous de Dieu » n’en finissaient pas de prier pour sauver les âmes des misérables mécréants « meurtriers d’enfants ».
Problème un peu différent pour les pharmaciens qui, eux, ne peuvent pas avoir recours à cette clause de conscience pour refuser de vendre des produits contraceptifs et abortifs. Qu’à cela ne tienne, ils peuvent justifier leur refus de vente par l’absence de ces produits dans leurs stocks ; stocks qu’ils ne sont pas tenus de renouveler. On imagine aisément le parcours du combattant pour les demandeurs, surtout dans des villes ne comportant qu’une seule pharmacie !
Et, comme si ça ne suffisait pas, les locaux du planning familial sont régulièrement la cible de certains nostalgiques de la « France éternelle et bien sûr très catholique ». Dernier exploit de ces rats, le planning familial de Bordeaux. Dans la nuit du 5 au 6 novembre, son local a été recouvert d’affiches de l’Action française et du Printemps français, le tout agrémenté de têtes de mort ! Plainte a été déposée au commissariat de police de Bordeaux pour « dégradation ou détérioration volontaire du bien d’autrui causant un dommage léger ». Doux euphémisme pour signifier qu’il n’y a pas eu de dégâts matériels ou physiques… Mais cinquante ans de planning familial en Gironde ne s’arrêteront pas devant les intimidations de ceux qui veulent, entre autres, contrôler le corps des femmes. Hier comme aujourd’hui, le combat pour l’émancipation de la moitié du ciel est toujours à renouveler, à réinventer, car le machisme est toujours là.
Pour fêter leur cinquantenaire, les militantes du planning et de leur journal, Histoires d’elles, organisaient, le samedi 16 novembre, une soirée festive. Il y aura donc eu une « conférence gesticulée » dont nous reproduisons ici l’annonce : « Se raconter nos histoires communes mais singulières autour du sexe, du savoir et du pouvoir, du désir et de la servitude sexuelle, du non-dit, de la reconquête permanente de nos corps, c’est déjà poser un acte ! Présenter cette conférence gesticulée, c’est partager et libérer cette parole trop souvent enfouie. Ce ne sera pas un nouveau spectacle-réalité ni la parodie d’un rendez-vous chez le sexologue… »
Sûr que tout ça ne convient pas à qui se réclame de la France éternellement fille aînée de l’église !
Comme quoi, il faut toujours chasser le patriarcat où qu’il se trouve.



Rosine Pélagie