De la démocratie chez les démocrates

mis en ligne le 6 juin 2013
Une fois n’est pas coutume dans notre hebdomadaire, parlons politique politicienne. Certes, me direz-vous, il y a d’autres urgences : fermetures d’entreprises, suppressions massives d’emplois, immolation par le feu d’un chômeur devant Pôle emploi, suicides sur le lieu de travail, courbe du chômage toujours en hausse, comme la précarité ; niveau de vie toujours en baisse, comme le moral des Français. Il y a aussi les guerres, Syrie, Mali, les otages, les attentats… Mais, au-dessus de tout ça, bien au-dessus, il y a plus sérieux, il y a du vraiment lourd : François Fillon et Jean-François Copé se parlent de nouveau. Nos deux frères ennemis sont tombés d’accord au cours d’une entrevue à l’Assemblée nationale (il fallait bien ça). Vous souriez ? Vous avez tort. Devant nos yeux ébahis, nous pouvons assister au fonctionnement impeccable de la démocratie. Pas la « démocratie directe » ou la « démocratie réelle » ou toute autre billevesée utopiste. Non, là, c’est du concret, c’est de démocratie bourgeoise qu’il s’agit. Six mois après le psychodrame vécu à l’UMP, les deux compères discutent, négocient et ont même trouvé un accord. C’est le consensus, voire l’unanimité : l’organisation d’une « primaire ouverte » pour désigner le candidat de la droite à la prochaine élection présidentielle ne doit pas être la reproduction du mauvais scénario de novembre 2012, qui a débouché sur la désignation de Copé comme chef de l’UMP. Élection jugée malhonnête dans son déroulement par les partisans de Fillon. Échanges de propos aigre-doux, de noms d’oiseaux à l’occasion, menace de scission ; finalement Copé a dû reculer et accepter la tenue de nouvelles élections pour désigner le secrétaire général du mouvement. À quelle date ? Re-chamaillerie : le plus vite possible pour Fillon, le plus tard possible pour Copé, qui comptait bien asseoir son autorité sur le trône de vizir provisoire.
Mais tout cela, c’était hier. Aujourd’hui, le ciel est bleu et le printemps de retour. Fillon pense désormais que revoter n’est pas indispensable, et même inutile, et il ne conteste plus que Copé reste à la tête de l’UMP. Tout juste va-t-on consulter fin juin les militants au moyen d’un congrès « virtuel » ; mais, d’ores et déjà, fillonistes et copéistes font savoir qu’ils sont largement hostiles à l’organisation d’une nouvelle élection. La juriste Anne Levade, déjà rédactrice des nouveaux statuts de l’UMP, a été chargée de rédiger (on lui souhaite bien du plaisir) la question qui sera posée aux militants qui devront donc voter pour savoir s’il faut… revoter. Si oui, Copé restera guide suprême jusqu’en 2015 (fin de son mandat). Sinon, re-élection et donc rebagarre pour désigner celui qui est le plus légitime. Ce qui évidemment ne serait pas du meilleur effet six mois avant les municipales de l’année prochaine.
Et, justement, pour ces municipales, les investitures pour être candidat UMP risquent fort de donner lieu à des négociations musclées entre copéistes et fillonistes. C’est que ces braves gens n’ont qu’une priorité : l’avenir de la France (en clair leur avenir à eux). On a déjà un avant-goût des affrontements « fraternels » qui se profilent avec la « bataille de Paris ». Nathalie Kosciusko-Morizet, qui pensait avoir un boulevard devant elle pour représenter la droite contre Anne Hidalgo, se voit contester ce rôle par son « collègue » Guillaume Peltier (ex-Front national) qui lui reproche son non-engagement contre le mariage pour tous, et donc son abstention au moment du vote de la loi dite « Taubira ». Petite précision, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui bénéficie de l’appui de Bernadette Chirac (pas sûr que ce soit un atout), a précisé qu’au cas où elle prendrait en main la destinée de Paris elle ne se présenterait pas comme candidate à l’élection présidentielle en 2017. Nous voilà rassurés. Bref, si les couteaux sont provisoirement rangés, les arrière-pensées demeurent et feront sans nul doute encore des dégâts à droite, sous le regard attendri de Marine Le Pen.
Voilà, c’était notre rubrique « La vie trépidante chez les politiciens de droite ». Vous préférez les sujets futiles genre lutte contre le chômage, retrait des troupes françaises actuellement en opération, défense des sans-papiers, lutte contre l’homophobie et le patriarcat, etc. ? Pour ça, nous avons les politiciens de gauche. Mais si, vous savez bien : cette gauche généreuse, émancipatrice, anticapitaliste (là, je m’avance peut-être), bref cette gauche qui nous l’a promis, qui nous l’a assuré : le changement c’est maintenant. Vous trouvez que ça tarde un peu ? Hommes et femmes de peu de foi ! Vous devriez savoir que les périodes transitoires sont nécessaires et peuvent parfois durer une éternité. Vous êtes pressés ? N’attendez rien de l’État, prenez vos affaires en main.