Prisons : état des lieux

mis en ligne le 18 octobre 2012
Les faits
L’inculpation de Malin Mendy en juin 2012, alors détenu à la prison d’Annœullin, pour « agression volontaire sur surveillant pénitentiaire et rébellion », alors qu’il était manifestement celui sur qui cette violence volontaire s’est exercée, est l’un des seuls événements en provenance des prisons de Lille qui soit parvenu à attirer l’attention de la presse, locale et régionale.
Pourtant, depuis l’ouverture de ce centre pénitentiaire, une succession d’actes relevant de la torture psychologique, du harcèlement quotidien et de la brutalisation constante des prisonniers n’a cessé de rabaisser ceux-ci au rang de sous-hommes. Combien de suicides dans des circonstances douteuses, de corps dénudés traînés à terre jusqu’au « mitard », d’insultes racistes et de pratiques déshumanisantes de la part de l’administration pénitentiaire, visant à imprimer la peur et à infantiliser les détenus ? Quiconque refuse cet état de fait risque de voir se déployer l’arsenal des sanctions disciplinaires, doublé des condamnations supplémentaires allongeant des peines déjà trop longues, et qui forment la base quotidienne de la survie à la prison d’Annœullin.

Expérimentation dans le Nord
En 2007, les révoltes de Sequedin avaient permis de faire sortir des murs certaines informations sur des exactions commises à l’intérieur et avaient révélé que les prisonniers étaient prêts à tout pour protester contre les violences institutionnelles et la déshumanisation provoquée par l’enfermement.
La répression des révoltes avait, quant à elle, mis en avant que les autorités carcérales ne comptaient pas changer leur mode opératoire et ne se donnaient aucune limite pour faire rentrer les détenus dans le rang. Le fait que de nombreux prisonniers de Sequedin – ainsi que la direction de ce centre – furent transférés à Annœullin après les révoltes semble indiquer que la répression sécuritaire des différentes prisons du Nord ne fait que se poursuivre tout en s’aggravant.
Plusieurs détenus d’Annœullin ont envoyé des appels au secours à l’extérieur, s’inquiétant du « climat dangereux » qui règne dans cette prison, qu’ils décrivent comme une sorte de « laboratoire » où s’expérimentent des méthodes de répression. Le fait que certaines unités de l’ancien centre de détention de Loos soient venues s’entraîner au cours d’exercices de simulation d’intervention musclée dans les couloirs de la prison d’Annœullin avant même qu’elle ne soit ouverte en 2011 ne vient que confirmer cette hypothèse. Annœullin est bien une prison « moderne », au sens de la torture psychologique et physique moderne, ou bien encore un lieu d’expérimentation de la gestion publique/privée de l’enfermement et de l’esclavage économique « moderne ». Mais Annœullin, c’est également un laboratoire où tout est fait pour que les liens les plus élémentaires ne puissent pas se tisser entre les détenus – comme le révèlent tant l’architecture des bâtiments que les techniques de gestion par la peur et l’intimidation.

Le silence des médias
Annœullin, c’est aussi le huis clos propre à toutes les prisons, la chape de silence maintenue à tout prix pour qu’aucune parole libre des prisonniers ne filtre à l’extérieur des murs. Seule la directrice du centre pénitentiaire, Aurélie Leclercq, a le droit à la parole dont elle use pour s’extasier dans la presse de ses talents de jeune manager passionnée. La voix des détenus, sans cesse réprimée car discordante, ne sort jamais des murs d’enceinte. Pour certaines personnes détenues à Annœullin, le silence des médias est incompréhensible : « Est-ce que ces incidents en amont ne sont suffisamment révélateurs en soi du climat dangereux entretenu ici même ? Faut-il réellement d’autres péripéties de ce type pour qu’[un] journaliste nous concède un indice de sincérité ? En 2007, il n’y eut pas le quart de ce qui s’est passé ici et pourtant le résultat fut là. »
Les lettres et témoignages auxquels fait référence Xavier Vanlancker dans son communiqué constituent une volonté de fracturer ce silence et de prouver que solidarité et résistance sont encore d’actualité malgré les tentatives ininterrompues de l’administration pénitentiaire de briser les détenus.

Le Groupe Enquête Prison