La dialectique de la pipe : qu’est devenu le sous-commandant Marcos ?

mis en ligne le 22 décembre 2011
HS43MarcosCertains l’ont dit mort. Mais, n’en déplaise aux médias et aux puissants du Mexique – et d’ailleurs – qui aimeraient lui voir le bec cloué, il n’en est rien. Il est vrai, toutefois, que le sous-commandant n’est plus très loquace, et ce depuis quelque temps déjà. Si les années suivant l’insurrection du 1er janvier 1994 ont vu fleurir le nombre de textes signés de la main de l’homme à la pipe – la plupart sous forme de communiqués –, force est de constater que, désormais, la prose du Sup se fait plus rare. En 2011, il ne nous aura gratifiés que de quatre lettres 1 qui, bien qu’initialement adressées au philosophe mexicain Luis Villoro, ont été rendues publiques. Cette correspondance conséquente (environ 120 000 signes) 2 s’inscrit dans un échange philosophique à propos du rapport entre l’éthique et la politique. Les habitués de la plume du Sup y ont sans nul doute retrouvé son style si particulier, habile mélange d’humour et d’acerbité, de théorie et d’événementiel, de poésie et de récit. Très accessibles, sans pour autant relever du simple slogan ou du tract, les quatre lettres de Marcos se lisent et se laissent entendre facilement. Et c’est tant mieux.
Présenté comme un « va-et-vient d’idées », une énonciation de pensées « fragmentées comme notre réalité, [pouvant] suivre chacune leur chemin indépendant ou bien s’entrelacer comme une tresse », cet échange n’a pour autre vocation que « d’esquisser une ou plusieurs lignes de discussion de dialogue, de réflexion critique » et ne s’adresse qu’aux « esprits critiques, alertes et ouverts ».
Dans le présent article, je me bornerais à faire écho aux points qui, abordés dans ces quatre lettres, m’ont paru essentiels. À l’occasion, j’y ajouterai quelques petits commentaires personnels, non dans l’espoir de recevoir à mon tour une lettre du sous-commandant, mais dans celui d’éventuellement susciter le débat au sein des colonnes de notre journal et de notre milieu politique sur ce sujet éminemment primordial.

La guerre annotée
De la guerre et de ses évolutions « contemporaines »

Le premier sujet abordé par le sous-commandant dans sa correspondance avec don Luis Villoro est celui de la guerre et de ses évolutions, tant en termes de moyens que de stratégie et de visée. Ce thème n’étant pas vraiment ma spécialité, et le Sup ne se donnant pas toujours la peine d’expliciter davantage ses dires, je préviens l’estimé lecteur qu’il est possible qu’une certaine confusion ressorte de mes propos.
Bien que régulièrement vu avec un passe-montagne et des armes, Marcos n’a rien du fanatique passionné par la guerre. Conscient de ce qu’elle incarne, il l’associe, dans sa première lettre, à « l’horreur, [à] la destruction et [à] la mort ». Mais son analyse de la guerre porte cependant moins sur les monstruosités qu’elle provoque que sur son évolution au fil des siècles et sur les formes qu’elle adopte et les objectifs qu’elle vise de nos jours, au XXIe siècle. Évitant donc de nous ressortir les « poncifs » antimilitaristes – qui n’en sont pour autant pas désuets – sur l’horreur des conflits armés du Capital, il nous sert une réflexion intéressante sur la guerre contemporaine.
Dans sa première lettre, Marcos commence par rappeler que les acteurs des premières guerres impérialistes se devaient d’anéantir leurs ennemis non seulement « physiquement », mais aussi « moralement », et ce afin d’acquérir une légitimité, aussi bien aux yeux des sujets gouvernés que de ceux peuplant les espaces tout juste conquis. D’après lui, la religion a été l’un des premiers alibis utilisés par les faiseurs de guerre pour justifier leurs massacres ; et, à cet égard, il suffit en effet de se pencher sur les croisades, les guerres de religion ou les évangélisations impérialistes en Amérique latine, en Afrique et en Asie pour s’en rendre compte. Puis, quand la justification religieuse a commencé à « dépérir », à s’essouffler, les va-t-en-guerre se sont servis de la philosophie, cette « pensée plus élaborée » que la religion et qui a « toujours eu un rapport ambivalent au pouvoir social et politique 3 ». Marcos ne développe pas davantage cette assertion, mais sans doute fait-il allusion à toutes ces guerres capitalistes légitimées par de prétendues idéologies politiques ou des choix de société.
Si cette forme de légitimité n’a de nos jours pas complètement disparu, Marcos souligne néanmoins que, désormais, s’ils veulent vaincre, les belligérants doivent se doter d’une « justification médiatique », portée et incarnée par la grande presse, la radio et la télé qui, depuis bien longtemps déjà, ont détrôné la philosophie. Il en veut pour exemple le dernier conflit irakien : « Qui se souvient que la justification de la force armée multinationale pour envahir l’Irak était que le régime de Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive ? On a construit là-dessus un gigantesque échafaudage médiatique qui a été le carburant pour une guerre qui n’est pas encore terminée, au moins en termes militaires. Qui se souvient qu’on n’a jamais trouvé de telles armes de destruction massive ? Ça n’a plus d’importance qu’il se soit agi d’un mensonge, qu’il y ait eu (et qu’il y ait) horreurs, destruction et mort, perpétrées avec un faux alibi. » Et, en effet, si aucune arme de destruction massive ne fut trouvée en Irak en 2003, les médias ont tellement communiqué sur ce faux prétexte qu’ils en ont de fait légitimé le conflit. Et dès lors qu’il éclata, et que les télés et les journaux retransmettaient les images et les rapports des opérations militaires, la question des armes de destruction massive passa au second plan. Désormais, donc, « la force morale » qui, dans toute guerre, est nécessaire à la victoire, ne sommeille plus dans des idéologies politiques ou des philosophies – ni même dans des religions –, mais dans la grosse caisse médiatique de la société du Spectacle qui, une fois en marche, martèle les esprits et rend inaudibles les voix dissidentes.
Autre évolution de taille dans la pratique de la guerre : celle de la géographie, ou, pour faire plus simple, du terrain, du territoire. Si, jadis, les États s’attaquaient ouvertement et directement sur leurs territoires propres, la puissance actuelle des armements empêche – pour le moment du moins – les affrontements directs, car, comme le dit Marcos, « la destruction serait si totale et irréversible que la civilisation humaine céderait le pas à celle des cafards ». Et c’est pourquoi, d’ailleurs, il n’y eut pas de conflit nucléaire durant la Guerre froide – que Marcos appelle fort justement la « Troisième Guerre mondiale ». De fait, les guerres des puissants se sont « démondialisées » pour se redéployer sur des plans régionaux : « En somme : diplomatie internationale pacifique et guerres régionales et nationales. » Là encore, la Guerre froide illustre parfaitement cette considération, les deux géants ne s’étant affrontés qu’indirectement sur des plans locaux : Vietnam, Afghanistan, Corée, pays africains, etc.
Autre changement lié au territoire pointé par Marcos : celui de la conquête. Si pendant longtemps la guerre consistait à conquérir un territoire pour le soumettre politiquement et économiquement – principalement à travers l’obligation du versement d’un tribut –, la donne a désormais quelque peu changé. Aujourd’hui, « la volonté que tente d’imposer le capitalisme est de détruire/dépeupler et reconstruire/réorganiser le territoire conquis ». En somme, les belligérants actuels conquièrent, détruisent et reconstruisent selon leurs ambitions, pour que les territoires ainsi acquis s’organisent en vue d’objectifs fixés dans les intérêts des vainqueurs. Marcos parle de « nouvelle géographie », d’une « destruction » suivie d’une « réorganisation [du] tissu social, mais à présent dans une autre logique, avec une autre méthode, d’autres acteurs, un autre objectif ». En gros, le vainqueur réorganise le tissu social et économique pour s’éviter l’administration directe des espaces ainsi conquis et soumis. Malheureusement, le Sup ne développe pas davantage cette analyse et nous n’en saisissons pas forcément tous les tenants et les aboutissants ; et il est même probable que je fasse fausse route.
À ce stade, on pourrait se demander en quoi ces analyses sur la guerre concernent le sujet de la correspondance entre lui et Villoro, à savoir l’éthique et la politique. Sachez avant tout que les écrits théoriques du sous-commandant Marcos ont toujours été enracinés dans la réalité ; ils se basent toujours sur des faits tangibles, des données empiriques. C’est d’ailleurs ce qu’il rappelle au début de la première lettre en citant, non sans une pointe d’humour, le Sherlock Holmes de Arthur Conan Doyle : « “C’est une erreur capitale que de théoriser avant d’avoir les données. Sans s’en rendre compte, on commence à déformer les faits pour qu’ils s’ajustent à la théorie, au lieu d’ajuster les théories aux faits.” » Et s’il développe ces discours sur la guerre, c’est à partir de celle qui sévit actuellement, et depuis longtemps, au Mexique : la guerre de Felipe Calderón (le président actuel) contre les soi-disant narcotrafiquants.

La guerre aveugle de Calderón
Cette guerre que Marcos qualifie « d’en haut » – c’est-à-dire directement organisée depuis les sphères de l’État – a commencé en 2006, peu après l’élection de Felipe Calderón à la présidence de la fédération du Mexique. L’actuel guignol sanglant à la tête du pays avait fait de cette guerre contre le narcotrafic son cheval de bataille pendant la campagne électorale précédant la ruée aux urnes de juillet 2006. Débutée en décembre de la même année avec une première opération militaire au Michoacán (mobilisant plus de 5 000 bidasses) pour mettre un terme au règne des cartels mafieux, la guerre dure toujours en 2011, et s’éternise sans le moindre résultat sensible. Au contraire, d’un côté comme de l’autre, les morts ne cessent de s’accumuler et concernent la plupart du temps des civils. Pour la seule année 2011, on compte plus de 40 000 Mexicains tombés sous les balles de la guerre de Calderón.
Argument de campagne électorale à l’origine, ce conflit sanguinaire est aussi porteur de profits, et notamment pour les États-Unis qui fournissent en grande partie l’équipement de l’armée fédérale, et probablement aussi des narcotrafiquants. Ce qui fait d’ailleurs dire à Marcos que « le principal promoteur de cette guerre est l’empire aux barres et aux troubles étoiles » qui y fait des « investissements », des « affaires ».
Dans cette guerre comme dans les autres, et comme on l’a exposé ci-dessus, l’appui médiatique est primordial pour la victoire. Conscient de ce paramètre, le gouvernement mexicain a su sans problèmes dompter les médias – les trois quarts étant déjà à sa botte – pour qu’ils se fassent les serviles hérauts des bienfaits de cette guerre et qu’ils médiatisent chaque opération comme une victoire retentissante. Le soutien médiatique est donc réel et énorme, les médias signant, « comme s’ils étaient d’eux, les bulletins gouvernementaux pauvres en rédaction et en arguments » et présentant « comme d’éclatantes victoires de la légalité les escarmouches qui ont lieu tous les jours sur le territoire national ». Non contents de lécher les cuissardes du pouvoir, les chefs d’orchestre du Spectacle, toujours dans un souci de légitimation des crimes du gouvernement, s’attachent à présenter les très nombreuses victimes collatérales de cette guerre comme de vulgaires coupables. « Les victimes de la guerre se transforment alors en coupables et le crime qui leur coupe les membres ou les assassine n’est rien d’autre qu’une forme quasi divine de justice : “Ils, elles l’ont bien cherché” », écrit Marcos dans sa troisième lettre.
Outre les milliers de morts, le tissu social du pays vole également en éclat, la société étant désormais plongée dans une peur quotidienne, si ce n’est une terreur. Et ce n’est pas peu dire. Quand je suis allé au Mexique cet été 2011, un ami libertaire mexicain rencontré sur place me confiait que, désormais, il avait peur. Peur pour lui, pour les siens, pour ses concitoyens. Peur des narcotrafiquants, des flics, des militaires, des balles perdues, des bavures, des enlèvements. Cette peur, il ne l’avait pas il y a quelques années. Marcos traduit fort bien les conséquences de tout cela sur une société : « Quelles relations sociales peuvent se maintenir ou se tisser si la peur est l’image dominante avec laquelle on peut identifier un groupe social, si le sens de la communauté se rompt au cri de sauve-qui-peut ? Le résultat de cette guerre ne va pas être seulement des milliers de morts… et de juteux profits économiques. Cela va être aussi, et surtout, une nation détruite, dépeuplée, brisée irrémédiablement. »

Le carnaval électoral à venir
Les élections d’en haut et le pouvoir
Si 2012 sera l’année de la présidentielle en France, il en ira de même au Mexique. Chez l’une comme chez l’autre, l’alternance est prévue. Chez l’une comme chez l’autre, le changement social restera au stade embryonnaire, sans perspective d’aller au-delà. Cette proche échéance n’échappe évidemment pas au sous-commandant Marcos, et la question électorale est omniprésente dans les quatre lettres.
À la fin de sa première missive, et après avoir discouru de la guerre de Calderón, le Sup écrit : « Et tandis que tout s’écroule, on nous dit que l’important, c’est d’analyser les résultats électoraux, les tendances, les possibilités. On nous appelle à tout supporter jusqu’à ce que ce soit le moment de cocher le bulletin de vote, et retour à la case départ : à nouveau attendre que tout s’arrange et que se reconstruise le fragile château de cartes de la classe politique mexicaine. » À nouveau, donc, les élections ne font pas illusion pour le sous-commandant qui, à plusieurs reprises dans la correspondance que je relate ici, affirme qu’il n’y a nul espoir à y mettre. Tous pareils, c’est ce que sont pour lui – et fort justement – tous les partis de la classe politique mexicaine « qui pue comme un cadavre » et qui n’ont pour ambition que de monter sur le trône du Mexique.
Le discours antiélectoraliste de Marcos s’inscrit dans une critique plus générale du pouvoir, critique qui a toujours été portée par le mouvement zapatiste. Pour le Sup, les politiciens d’aujourd’hui ne sont même plus mus par des convictions et par des idéologies, ni même par l’envie d’administrer un territoire, ils sont simplement friands du pouvoir et de ses avatars : seuls les intéressent l’image et le luxe. Dans la troisième lettre, il écrit : « À présent, le travail par excellence des gouvernants est la simulation. Plus importants que les conseillers politiques et économiques, il y a les conseillers en image, publicité et mercatique. » À peine élus, tout leur travail consistera à préparer la prochaine campagne électorale : adieu les actes, bonjour la communication ; adieu les responsabilités, bonjour les fumisteries et les boniments. À propos de mensonge, Marcos définit ainsi le pouvoir : « Mentir en grand, et le faire impunément. »
S’il était autrefois coutumier de dire que le pouvoir corrompt, Marcos se pose aujourd’hui la question dans l’autre sens : et si ce n’était pas les corrompus qui, seuls, pouvaient accéder au pouvoir ? « Est-ce le Pouvoir qui corrompt, ou faut-il être un grand corrompu pour accéder au Pouvoir, pour s’y maintenir… ou pour y aspirer ? » Si la question est passionnante, on reste là encore sur notre faim, le Sup laissant à chacun la liberté d’y répondre. En tout cas, il semble certain aujourd’hui qu’un politicien honnête et convaincu – oui, ça peut exister, mais il n’en restera pas moins impuissant à changer quoi que ce soit profondément – a peu de chances de monter les marches du pouvoir, revêtues qu’elles sont du tapis rouge de la corruption et de la magouille. Il n’est pour autant pas exclu que, s’il parvenait jusqu’au trône, il en viendrait bien vite à oublier ses convictions pour sombrer dans les pires bassesses qu’exigent la tenue et la gestion d’un gouvernement.

Les résistances d’en bas et la relève zapatiste
Dans sa deuxième lettre, le sous-commandant Marcos regrette qu’à « l’instar des produits miracles qui promettent de perdre du poids sans faire d’exercice et en se goinfrant de nourriture – et il y a des gens pour le croire –, il y en a aussi pour croire qu’on peut avoir la liberté, la justice et la démocratie rien qu’en cochant un bulletin en faveur de la permanence du Parti d’action nationale, de l’arrivée du Parti de la révolution démocratique, ou du retour du Parti révolutionnaire institutionnel ».
Mais ce « fourvoiement », cette erreur d’appréciation, cet excès de confiance dans un système qui a pourtant montré à moult reprises qu’il ne fonctionnait pas pour la justice sociale, ne concernent heureusement pas tous les Mexicains. Et derrière les discours péremptoires et hypocrites des politiciens, derrière les graffitis pisseux de la grande presse, derrière les gigotements des guignols télévisés, il y a des gens qui luttent pour survivre au quotidien, non sans l’espoir de construire un monde différent, où ils ont droit à la parole, à l’existence, à la vie. Des gens pour qui il ne peut y avoir de dignité sans résistance. Et des gens qui, chose primordiale, s’organisent entre eux, s’unissent, se rassemblent. Car en dehors de l’organisation des exploités et des opprimés, il y a peu de chances que les choses bougent. La révolte individuelle, si elle est belle à première vue, si elle peut séduire et faire rêver, n’en est pas moins stérile, surtout à long terme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien s’il s’agit de la seule forme de révolte qui trouve grâce aux yeux des puissants qui, à travers le Spectacle, l’a souvent célébrée. À cet effet, le sous-commandant Marcos salue, dans sa deuxième lettre, les activités des collectifs et groupes de résistants organisés, aussi divers soient-ils, de « l’héroïque effort de collectifs anarchistes et libertaires pour se soustraire à la logique capitaliste » à « la légendaire résistance des peuples originaires » en passant par « la lutte acharnée des travailleurs du Syndicat mexicain des électriciens, malgré le fait qu’ils aient contre eux une gigantesque campagne médiatique, la répression, la prison, les menaces et le harcèlement ».
Parmi ces luttes, le Sup s’attarde un peu, dans sa troisième lettre, sur le Mouvement pour la paix dans la justice et la dignité du poète Javier Sicilia dont le fils fut tué en mars 2011 par des narcotrafiquants. Ce mouvement fut à l’initiative d’une longue « marche pour la paix » le 8 mai de cette année, pour réclamer la fin de la guerre de Calderón et dénoncer les crimes et la corruption. Le sous-commandant a dès le départ soutenu cette action et salué la témérité du poète. Pour lui, l’apport essentiel de cette marche fut de sortir les victimes « des faits divers, des statistiques, des mythiques “triomphes” du gouvernement de Felipe Calderón Hinojosa, de la culpabilité, de l’oubli ». Il reste néanmoins dubitatif sur certains aspects du mouvement et ne cache pas ses réserves, notamment sur l’entêtement de Javier Sicilia à vouloir discuter avec le pouvoir : « Il est vrai que nous ne comprenons toujours pas pourquoi consacrer tant d’énergie et d’efforts à échanger avec une classe politique qui, depuis longtemps, a perdu toute volonté de gouvernement et n’est plus qu’une bande de scélérats. Peut-être qu’ils le découvriront peu à peu par eux-mêmes. »
Les zapatistes, quant à eux, ne sont pas morts. Et ce même si, ici en France, devant le silence quasi absolu des médias, on pourrait être tenté de le croire. Non seulement ils sont bel et bien vivants, mais ils poursuivent sans relâche la construction de l’autonomie dans les territoires qui sont sous leur influence, apportant des améliorations significatives aux conditions de vie des personnes concernées. Une nouvelle génération est d’ailleurs en train de prendre le relais ; une relève, en quelque sorte. Dans sa quatrième et dernière lettre, le sous-commandant Marcos l’évoque d’une façon tendre et fière à la fois : « Nous avons expliqué qu’une nouvelle génération de zapatistes était en train d’arriver aux tâches de direction. Des jeunes, garçons et filles, qui sont nés après le soulèvement, qui se sont formés dans la résistance, et qui ont été éduqués dans les écoles autonomes, sont à présent élus comme autorités autonomes et arrivent à être membres des Conseils de bon gouvernement. On a discuté et on s’est mis d’accord sur comment les soutenir dans leurs tâches, les accompagner. Comment construire le pont de l’histoire entre les vétérans zapatistes et eux. Comment nos morts nous lèguent des engagements de la mémoire, le devoir de continuer, de ne pas flancher, de ne pas se vendre, de ne pas faillir, de ne pas se rendre. »
La révolution continue, donc, et semble se perpétuer à travers les générations. N’est-ce pas là une belle lueur d’espoir pour nous tous ?







1. Excepté une courte lettre envoyée à don Javier Sicilia en avril 2011, et les quelques communiqués du Comité clandestin révolutionnaire indigène – commandement général de l’EZLN, écrits de la main de Marcos.
2. La traduction française utilisée pour citer des extraits des lettres de Marcos a été réalisée par le camarade El Viejo.
3. Luis Villoro, Philosophie et domination, discours d’entrée au Collège national, novembre 1978. Cité par Marcos dans sa première lettre.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


El Viejo

le 19 avril 2012
Sur le passage que tu dis ne pas bien comprendre (destruction/réorganisation du tissu social dans un territoire), je pense que c'est une allusion à la tentative permanente de détruire la culture indigène et sa puissante solidarité pour instaurer à sa place le chacun pour soi et l'appât du gain, indispensables au fonctionnement du monde du profit.
Ces tentatives sont systématiques au Chiapas, ce qui ne veut pas dire qu'elles marchent toujours, loin de là, et partout dans le pays où des peuples indiens résistent à "la modernité" (mines à ciel ouvert, par exemple).
Bon, c'est une hypothèse, avec le Sup, quand il n'est qu'allusif, on a du mal à être sûr de quoi que ce soit...
Un abrazo
El Viejo