Psychiatrie : surveiller et punir

mis en ligne le 24 mars 2011
Le gouvernement nous concocte encore en douce un nouveau projet de loi (ça faisait longtemps) sur l’hospitalisation sous contrainte. Une pratique qui est dénoncée par certains psychiatres comme trop sécuritaire et qui a déjà obtenu 10 000 signatures.
Ce texte, intitulé « Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et modalités de leur prise en charge », avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy, lorsque celui-ci s’était fendu d’un de ses fameux « effets de manches », après le meurtre à Grenoble d’un étudiant par un malade mental enfui de l’hôpital. Cette réforme, qui modifierait la loi de 1990, vise officiellement à « une meilleure prise en charge des malades et à assurer leur sécurité et celle des autres, ainsi qu’à respecter leurs droits fondamentaux ». Or, jusqu’à présent, seule une hospitalisation pouvait être décidée sous contrainte, le projet de loi rend possibles des « soins » ambulatoires sans consentement, mais plus grave, il permet également une admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de « péril imminent pour la santé du malade, pour répondre aux problèmes pratiques posés par l’absence de tiers ».
70 000 personnes dans le collimateur !
Cette réforme concerne les quelque 70 000 personnes qui, chaque année, sont hospitalisées sous contrainte, soit à la demande d’un tiers (dit « HDT », 60 000 cas) ou d’office en cas d’atteinte « à la sûreté des personnes ou à l’ordre public » (dit « HO », 10 000 cas). Ce texte suscite donc les graves craintes du « Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire », qui a lancé une pétition obtenant 10 000 signatures de soignants, d’intellectuels dénonçant « un projet de loi où seul l’ordre public est pris en compte ». L’UMP pour sa part le trouve « ambitieux et protecteur des personnes ». Mais, les détracteurs de la réforme mettent en avant que cette dernière permet aussi de se conformer à la décision récente du Conseil constitutionnel, qui a censuré un article du Code de la santé publique permettant le maintien de l’hospitalisation sans consentement à la demande d’un tiers, sans l’intervention d’un magistrat au-delà de quinze jours. L’intervention du juge de la liberté et de la détention (JLD) est donc désormais prévue après ce délai, puis tous les six mois. Ce qui n’est pas sans inquiéter les magistrats.
Dans un communiqué commun, l’Union syndicale des magistrats (USM) et plusieurs syndicats de psychiatres (Intersyndicale des psychiatres publics, Union syndicale de la psychiatrie…) dénoncent cette machine : « la logique sous-jacente est claire : aucune confiance n’est accordée aux juges, pas plus qu’aux médecins », protestent-ils, taxant le projet de loi de « rétrograde, injuste et inadapté ». En effet, l’intervention du juge, qui devra être mise en œuvre d’ici au 1er août, nécessitera une mobilisation très importante des équipes soignantes et des juridictions. Le texte supprime aussi les sorties d’essai et prévoit un dispositif renforcé pour les cas les plus sensibles (personnes déclarées irresponsables pénalement ou ayant séjourné dans une « unité pour malades difficiles »). Les syndicats de psychiatres craignent surtout l’instauration d’un « casier psychiatrique », ce dont se défend bec et ongles le porte-parole du dossier au gouvernement. On peut faire confiance à Big Brother !



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


julien bézy

le 26 mars 2011
On prend de plus en plus le malade spychatrique pour un délinquant donc on l'enferme.