La vie de château

mis en ligne le 9 juin 2010
Victimes depuis toujours de tous les courants politiques et religieux de par le monde, les anarchistes, qui ont partout tâté la paille humide des cachots, n’ont jamais cessé de combattre l’existence des prisons et, faute de pouvoir abattre avant longtemps toutes les bastilles, de dénoncer radicalement les conditions de détention insupportables qui y règnent.
Cette opiniâtreté des libertaires, longtemps seuls à mener ce dur combat, a fini par émouvoir jusqu’aux plus endurcis de ces ardents militants convaincus, lorsqu’ils dissèquent l’histoire, que les peines d’enfermement relevaient d’une injustice criante lorsqu’elles frappaient leurs amis, mais qu’elles se justifiaient pleinement lorsqu’elles touchaient leurs adversaires.
C’est ainsi que l’une des sectes trotskistes des plus bornées, Lutte ouvrière, connue pour la sensiblerie maladive de ses militants, longtemps silencieuse sur le sujet et jusque-là plus intéressée par le sort des travailleuses-travailleurs surveillants, toujours caressés dans le sens du poil, dénonce, dans plusieurs communiqués relativement récents, « l’état honteux des prisons » et « les conditions inhumaines » dans lesquelles vivent les détenus.
Cette organisation ose même affirmer « qu’il faut profondément changer le monde carcéral ». Demander, même timidement, que soit mis fin à d’évidentes monstruosités que d’autres dénoncent depuis de nombreuses décennies, c’est à cela qu’on reconnaît une avant-garde révolutionnaire !
Lors du dernier week-end de Pentecôte, au château de Presles, avait lieu la fête annuelle de l’organisation d’Arlette et Nathalie. Un voleur, passant par là, a subtilisé la recette du stand des livres, le dimanche soir. Reconnu, dénoncé, il a été remis par les militants aux mains des flics et placé en garde à vue… pour 610 euros dérobés. Dans le charabia théorico-marxien des châtelains révolutionnaires, il s’agit sans doute d’une importante victoire du prolétariat sur le parasitisme antisocial petit-bourgeois.
L’abolition des prisons ? C’est pas gagné !