Le Cirque des mirages

mis en ligne le 24 février 2004

Les 15, 16 et 17 janvier, Fred Parker le pianiste et Yanowski le chanteur comédien, qui forment à eux deux ce Cirque des mirages, sont venus confirmer, au Forum Léo-Ferré, à Ivry, que leur spectacle était bien la grande révélation du moment dans ce que nous avons coutume d’appeler la chanson vivante.

Surréalisme, expressionnisme, féérie, poésie et révolte habillent en permanence une prestation époustouflante, absolument unique aujourd’hui sur la scène française. Sur cette scène, en effet, les talents ne manquent pas, que télévisions et radios ignorent et que des petites salles de spectacles s’ingénient à soutenir et à faire connaître, dans une salutaire résistance à la connerie staracadémisée. Le Monde libertaire s’en fait parfois l’écho. Mais Le Cirque des mirages, c’est encore autre chose : le talent, bien sûr, indiscutable, mais aussi ce quelque chose d’indéfinissable qui ancre en vous, au long du spectacle, la conviction qu’on se trouve là devant un phénomène comme la chanson n’en connaît finalement que très peu.

Des foires sordides de Londres, au XIXe siècle, où un public voyeur est convié à contempler des monstres humains, jusqu’aux couloirs du métro parisien par où surgissent des hordes barbares - où monstruosité et sauvagerie ne sont pas nécessairement là où on le croit -, le voyage hallucinant offert par les deux compères, en compagnie d’épouvantails, d’une ombre inquiétante, de femmes noctambules innombrables, vous laissera abasourdis, émerveillés et ravis.

L’appétit de critique sociale des lecteurs de cet hebdomadaire se trouvera également rassasié le temps d’une soirée animée passée chez Madame de La Fressange, revenue du Congo, ou d’une incursion dans le monde crétinisant de la télévision, mais surtout sans doute grâce à l’irrésistible Véritable histoire du christianisme, réécriture impitoyable et jubilatoire d’une imposture religieuse.

Le Cirque des mirages, c’est un spectacle complet, très visuel, des textes très écrits, minutieusement élaborés, souvent magnifiques, une plongée inoubliable, sans répit, dans le rire, l’effroi, la poésie, le sublime. C’est un choc.

Les deux amis nous quittaient chaque soir, au Forum Léo-Ferré, en interprétant Les chiens, formidable moment d’insolence, hymne incomparable à la liberté. Ils sont au Théâtre du Renard, à Paris, jusqu’au 7 février, le soir à 21 heures. Allez voir ces deux chiens fous, c’est prodigieux.